Quelles priorités politiques pour les quartiers sensibles ? Un sondage intéressant
6 04 2011Ce 4 avril, Ipsos et France-Bleu ont interrogé un échantillon de 1 014 personnes âgées de 15 ans et plus, représentatives de la population française, pour connaître leur perception de la situation dans les quartiers sensibles. Les résultats de ce sondage indiquent que, pour quatre Français sur dix, les conditions de vie dans ces quartiers se sont dégradées depuis quelques années. Une proportion à peu près identique estime qu’elle n’a pas vraiment changé et seules 11% des personnes pensent au contraire que la situation s’est améliorée. Les habitants de ces quartiers portent un regard légèrement moins sombre sur leur propre situation de vie, encore que les trois quarts d’entre eux déclarent vouloir déménager. Mais l’intérêt de cette consultation réside surtout dans les choix prioritaires parmi les mesures proposées par le sondage pour améliorer la situation dans ces territoires.
Emploi, école, police
Favoriser l’installation d’entreprises qui embauchent dans ces quartiers est choisi par 44% des personnes interrogées, améliorer le système éducatif par 36% et renforcer la présence policière par 27% - par comparaison, seulement 12% estiment que la rénovation des logements est un levier propice au changement. Emploi, école, police, voilà donc le triptyque des mesures prioritairement désignées par les personnes interrogées. Ces résultats semblent indiquer que nos concitoyens – notamment ceux qui ne vivent pas dans les quartiers – ont bien saisi les manques fondamentaux dont ceux-ci pâtissent. Lors des émeutes de novembre 2005, nos analyses (comme la plupart de celles de nos collègues) ont montré que les « raisons de la colère » portaient en particulier sur l’emploi – plus justement le manque d’emploi, le chômage, la précarité et la pauvreté –, ainsi que sur les carences éprouvées à l’égard de l’école. Quant à la police, elle constitue indubitablement l’un des plus forts nœuds de discorde et une source profonde de ressentiment : trop absente pour la plupart des habitants et bien souvent mal agissante selon eux. Mais redisons que l’embrasement émeutier de 2005 n’a fait que cristalliser un malaise et une colère qui existent depuis longtemps dans ces quartiers et que la multiplicité d’enquêtes, études ou diagnostics réalisés auprès de leurs habitants ont mis en lumière depuis la fin des années 1970. Cela fait donc 40 ans que les personnes qui vivent dans ces quartiers, les sociologues et même les experts officiels (voir les rapports annuels de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles) témoignent et attestent que la situation, en effet, ne s’est pas améliorée et qu’elle s’est même globalement dégradée.
Les diagnostics sont connus, à quand leur application ?
Alors, rien de nouveau depuis les années 1970 ? De multiples choses en réalité si l’on devait entrer dans le détail des situations et des évolutions. Mais l’une d’elles, à un niveau plus général, doit retenir notre attention. Quel parti politique serait le plus à même d’agir efficacement en faveur des quartiers sensibles ? a-t-il encore été demandé dans le sondage Ipsos-France Bleu. 36% des personnes pensent que les partis de gauche seraient plus aptes à améliorer la situation, 15% choisissent l’UMP et 21% le Front National. Mais presque un quart des répondants et, plus encore, un bon tiers des habitants des quartiers estiment qu’aucune des formations partisanes actuellement présentes sur la scène nationale ne ferait l’affaire. Cette méfiance, voire même ce discrédit à l’égard du politique fait écho aux paroles qui ont été maintes fois adressées par les habitants des quartiers populaires et que l’on peut résumer de la façon suivante : le temps du recueil de la parole, de l’écoute et des consultations est révolu, les besoins, les manques ou les insuffisances sont largement connus, il est temps de les entendre et de passer à l’action.
Illustration : a_leste - flickr - licence cc