Le programme national de rénovation urbaine: quel bilan huit ans après la loi Borloo ?
10 07 2011Le Comité d’évaluation et de suivi de l’ANRU vient de remettre son rapport annuel, intitulé « Les quartiers en mouvement. Pour un Acte 2 de la rénovation urbaine ». Comme l’indique son sous-titre, le rapport prend clairement position pour un prolongement du Programme national de rénovation urbaine (PNRU) lancé par Jean-Louis Borloo en 2003, qui devait initialement prendre fin en 2008 mais dont l’échéance a été plusieurs fois repoussée par le législateur pour être désormais fixée à 2013. Cette prise de position vient s’ajouter à celles du ministre de la ville, des dirigeants de l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU), des élus locaux et des responsables du mouvement HLM qui, au cours des derniers mois, ont multiplié les appels au lancement d’un second programme du rénovation urbaine. L’argumentaire développé par les uns et les autres témoigne d’un consensus rare, s’agissant d’une politique visant des quartiers qui occupent une place centrale dans les polémiques partisanes : le PNRU est un succès dont les résultats sont visibles, mais ce succès est incomplet et fragile ; un nouveau programme, appuyé sur des ressources comparables au premier doit être lancé rapidement, faute de quoi les 42 milliards d'euros investis pour le PNRU1 l’auront été à perte.
Le rapport du CES s’ouvre par un court texte de son président, Yazid Sabeg, qui résume parfaitement la tonalité générale : « Le PNRU entérine année après année son succès incontestable. Pour la première fois dans notre pays, un plan de correction des inégalités urbaines subies par des centaines de quartiers déshérités a atteint la plupart de ses objectifs initiaux sur une période longue de plus de 10 ans. Désormais, de nombreuses réalisations concrètes sont visibles dans plus de 500 quartiers visés par le programme. Le développement de ces projets va se poursuivre jusqu’en 2018. Il va changer profondément le cadre de vie des habitants et bouleverser l’image des quartiers. La réussite de ce renouveau urbain est aussi reconnue par les habitants qui observent les premiers résultats visibles dans leur quartier et qui apprécient ces transformations. Plus encore, les habitants approuvent l’action publique volontariste qui a permis la réalisation des objectifs du plan dans un court laps de temps. Ils demandent une poursuite des efforts. »
Il est parfaitement légitime, pour le CES de l’ANRU, d’interpeller un gouvernement qui a supprimé les contributions de l’Etat au financement du PNRU 1 (remplacées par des ponctions sur les budgets du 1% logement et des HLM), et qui peine à opérer les arbitrages financiers permettant de concrétiser les annonces répétées d’un Acte 2 de la rénovation urbaine. Mais cette interpellation gagnerait en force si elle pouvait s’appuyer sur un réel travail d’évaluation de la politique menée depuis 2003. Or le rapport du Comité d’évaluation et de suivi de l’ANRU n’a d’évaluation que le nom. Les jugements du CES sont très faiblement étayés et le « succès incontestable » du PNRU apparaît en réalité très contestable : s’il est vrai que des « réalisations concrètes sont visibles dans plus de 500 quartiers », ces réalisations ne produisent pas du tout les résultats escomptés, à savoir une réduction des inégalités territoriales, comme le prouvent année après année les rapports de l’Observatoire National des Zones Urbaines Sensibles (ONZUS). Parler de succès du PNRU revient donc à confondre les moyens et les fins, ce qui est problématique pour un Comité qui prétend faire de l’évaluation, c'est-à-dire établir des liens entre les objectifs d’une politique publique, les moyens qu’elle mobilise, ses conditions de mise en œuvre, ses effets et impacts.
Pour aller plus loin :
- Un article de Renaud Epstein « Politique de la ville : bilan et (absence de) perspectives », Regards croisés sur l'économie (2011, n°9).
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